Mardi 4 Juin 2024, un comité fédéral de la FDA (Food and Drug Administration - l’équivalent de l’ANSM en France) a voté largement à l’encontre de l’utilisation de la MDMA dans le cadre du traitement du Syndrome de Stress Post Traumatique (SSPT, ESPT ou encore PTSD en anglais). Un traitement prometteur pour une trouble grave affectant des millions de personnes rien qu’aux USA mais considéré comme difficile à évaluer étant donné l’impossibilité de cacher les effets subjectifs de la substance au cours des études en double aveugle et dont les effets à long terme sont considérés comme inconnus et incertains. Le verdict final de la FDA sera donné en Août. Outre un scandale médical, le coût exorbitant de ce modèle thérapeutique ainsi que le malaise autour de l’aspect subjectif de l’expérience psychédélique sont mis en lumière par cette situation. Tout cela pendant que de potentielles solutions naturelles poussent à nos pieds. Analyse.La MDMA et le PTSD
La MDMA, connue sous le nom d’ecstasy dans les milieux récréatifs, est connue depuis longtemps pour son intérêt thérapeutique potentiel dans le traitement du Syndrome de Stress Post-Traumatique (SSPT/PTSD), un trouble mental qui survient après avoir vécu ou été témoin d’un événement particulièrement traumatisant. Les symptômes incluent des souvenirs envahissants, des cauchemars intenses, une anxiété sévère, ainsi que des pensées et réactions émotionnelles incontrôlables liées aux souvenirs de l’événement. Ces symptômes peuvent perturber gravement la vie quotidienne et nécessitent souvent une intervention thérapeutique.
Or, la MDMA représente actuellement un grand espoir dans le cadre du traitement de cette pathologie. La MDMA fut la raison même de la création de la MAPS (Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies) par Rick Doblin en 1986 - un an après l’interdiction de l’utilisation de celle-ci, y compris dans un cadre purement thérapeutique et ce, malgré son intérêt connu de nombreux psychiatres et psychothérapeutes qui l'utilisaient à cette époque. Cette substance devrait être le premier “Psychédélique” (au sens large du terme puisqu’il s’agit en réalité d’un empathogène / entactogène) à être légalisée aux États-Unis en 2024 depuis le Controlled Substance Act (CSA) de 1971, ayant rendu pratiquement tous les psychédéliques illégaux.
Attentes, Espoirs… et Déception?
Pourtant, malgré des résultats très prometteurs dans les essais cliniques, y compris lors de la Phase III de la recherche avec parfois près de 71% de rémission, la récente décision d’un jury de conseillers de la Food and Drug Administration (FDA, équivalent de l’ANSM en France) aux États-Unis de rejeter l’utilisation thérapeutique de la MDMA représente un coup dur non seulement pour les millions de patients vivant dans l’attente et l’espoir de la légalisation de ce traitement, mais aussi pour la MAPS et les nombreux investisseurs intéressés par la dimension financière de ce type d’innovation thérapeutique, loin, bien loin de la dimension humaine et spirituelle qui se trouve au coeur même de l’expérience psychédélique. Nous sommes ici en plein cœur de la capitalisation de la santé et du bien-être humain. Et c’est principalement ce facteur économique, à l’heure actuelle, qui détermine les règles du jeu. Rien de nouveau sous le soleil.Si la FDA doit donner son verdict final le 11 Août 2024, il est rare de la voir prendre une décision allant à l’encontre de l’avis de ce comité, particulièrement étant donné l’écrasante majorité des avis négatifs face à sa légalisation. En effet, 9 membres sur 11 considéraient la MDMA comme inefficace et 10 membres du comité sur 11 considéraient que les risques prenaient le pas sur les bénéfices. Cette décision soulève des questions cruciales sur la faisabilité d’une légalisation prochaine de la MDMA et d’autres psychédéliques à des fins médicales, tant aux États-Unis qu’en France - un pays qui cumule déjà des années de retard sur le domaine même en comparaison avec ses voisins européens (Espagne, Suisse, Allemagne…) S’il n’est cependant pas impossible que la FDA aille à l’encontre de l’avis de ce comité et que la MDMA finisse par être légalisée dans les mois ou les années à venir, il n’en reste que des millions de personnes sont toujours dans l’attente d’une solutions à leur souffrance en ce moment même…
SSPT: La Nécessité de Nouveaux Traitements
Le Syndrome de Stress Post Traumatique (SSPT) affecterait près de 5% de la population Américaine (soit environ 13 millions de personnes) et 1 à 2% de la population en France. Ce syndrome touche particulièrement les soldats et ce pourcentage peut même monter jusqu’à près de 30% des effectifs militaires dans certains groupes. D’après le Ministère des Armées, “80 % des TSPT non pris en charge rapidement se chronicisent avec un risque majeur d’addictions et de suicide (jusqu’à 21% de suicide parmi les décès répertoriés chez les militaires)”.Mais les militaires ne sont pas les seuls à mettre fin à leur vie à la suite d’un traumatisme. Le récent suicide de Fred Dewilde, le 5 Mai 2024 (ci contre en photo lors de son Ted Talks en 2017) illustrateur de 58 ans ayant survécu à l’attentat du Bataclan en 2015 a montré encore une fois à quel point nous sommes thérapeutiquement impuissants et peu équipés pour faire face à ce genre de traumatismes.En 2017, Guillaume Valette, 31 ans, autre survivant à cet attentat s’était également donné la mort deux ans après avoir survécu à ce cauchemar. Aujourd’hui encore, de nombreux autres survivants à cet attentat - ou encore celui de Nice en 2016 -, les nombreuses victimes de viols, d’accidents de la route, de violences infantiles et de nombreuses formes de traumas sont trop souvent laissés sans réelles solutions et pourraient passer à l’acte à n’importe quel moment après des années voire des décennies de souffrance.Chaque année, rappelons que ce sont près de 9000 personnes qui se suicident en France, dont de nombreuses personnes atteintes de Syndrome de Stress Post Traumatique. Et c’est sans oublier l’impact et les conséquences terribles à la fois de cette souffrance quotidienne et de cet acte irréversible sur les personnes qui les entourent - toutes nos existences étant interconnectées. Et bien que des alternatives aux antidépresseurs et benzodiazépines existent (telles que l’EMDR, la TCC, les Rêves Lucides, la Méditation…) elles sont cependant loin d’être suffisantes pour beaucoup. Nous souffrons du manque de solutions face à ces pathologies lourdes… Ou bien ne sont-elles simplement ni assez connues des patients ni accessibles ?Si la recherche montre depuis des années l’intérêt de substances aux effets dits “psychédéliques” synthétiques telles que la MDMA (toujours non-étudiée en France) ou la Kétamine (utilisée aux USA mais aussi en Europe en Angleterre, en Espagne ou encore en Suisse) pour le PTSD, d’autres substances psychédéliques entièrement naturelles telles que l’Ayahuasca ou les Champignons à Psilocybine utilisées traditionnellement depuis des centaines voire des milliers d’années démontrent leur intérêt dans le traitement de ce syndrome coûtant le bien-être de centaines de milliers de personnes rien qu’en France, et parfois jusqu’à leur vie.
Limites et Risques de ce Modèle Thérapeutique
Mais revenons un instant sur la MDMA. Malgré des résultats encourageants, ce comité de conseillers de la FDA a exprimé des préoccupations concernant la sécurité et l’efficacité à long terme de la MDMA en tant que traitement pour le PTSD. Les risques potentiels d’abus, les effets secondaires et le manque de données à long terme ont été cités comme raisons principales de ce rejet. D’autres faiblesses dans l’étude compliquent également l'évaluation de l’efficacité de cette substance (ex: prises additionnelles de MDMA ou autres substances hors cadre thérapeutiques).D’autres points particulièrement problématiques de ce type d’approche sont à souligner, en particulier le coût de ce type de traitement. En effet, le coût moyen de l’ensemble de cette Psychothérapie Assistée par MDMA a été estimé à 23 117 dollars par intervention complète soit le double de ce qui avait été initialement calculé (évalué à 11 537$ par patient). Si ce modèle permettrait d’économiser des millions de dollars au long terme d’après la MAPS par rapport aux traitements actuels, cela reste cependant un immense investissement.Autre problème: les effets subjectifs (“psychédéliques”) sont inévitables. Par conséquent, la réalisation d’une étude en double aveugle, où ni le patient ni le médecin ne connaissent la composition de la gélule administrée au patient, est purement impossible. Ceci est souligné dans le rapport d’ICER (Institute for Clinical and Economic) critiquant la récente étude sur la MDMA et SSPT menée par l’entreprise Lykos Therapeutic.En plus d’être un obstacle à une étude en double aveugle, cette dimension de l’expérience psychédélique - l’état de conscience élargi (ECM) - pose un grand problème dans une société profondément matérialiste où le subjectif est radicalement écarté et rejeté au profit de la recherche d’une réalité qui se veut purement objective. Au point où aujourd’hui, les effets subjectifs des psychédéliques/enthéogènes sont considérés par beaucoup d’entreprises pharmaceutiques comme des effets secondaires inutiles, voire indésirables , dont il faut se débarrasser. Ainsi de plus en plus de chercheurs travaillent à la création de “psychédéliques non-psychédéliques”. Dans ce modèle, seule la dimension neurobiologique est prise en compte malgré l’intérêt évident de l’expérience mystique dans l’amélioration des symptômes.D’autres reconnaîtront l’intérêt de cet aspect de l’expérience psychédélique, mais chercherons rapidement à l’expliquer, la rationaliser, le disséquer et le compartimentaliser afin d’écarter au plus vite la dimension inhéremment spirituelle et sacrée (donc dérangeante) de l’expérience enthéogène. La dimension spirituelle est ainsi réduite aux domaines de la psychologie et de la psychiatrie . Par conséquent l’un des risques supplémentaires de cette légalisation qui, si elle a lieu un jour ici, est qu’elle tente d’éviscérer l’expérience enthéogène de sa dimension spirituelle, présente depuis des millénaires dans l’utilisation sacrée et ritualisée de ces substances.Administrée par des “experts” parfois sans aucune expérience directe de la substance (seulement pourvus et contentés d’une connaissance purement théorique et intellectuelle), rejetant la dimension spirituelle et sacrée de l’expérience, prescrite uniquement en cas de situation désespérée (le cas de l’Eskétamine en urgence psychiatrique dans les épisodes suicidaires en France sous le nom commercial de Spravato), nous risquons de passer à côté de tout l’intérêt de ces médecines de la Nature et peut-être de la raison même pour laquelle ils sont à notre disposition depuis le début de notre existence sur Terre: nous permettre de nous reconnecter avec l’ensemble du vivant et avec Nous-mêmes. De maintenir l’équilibre et l’harmonie avec soi, les autres êtres humains et toutes formes de vies de vie sur Terre. La perte de contact avec cette expérience directe de la Nature, et de notre Nature, donne lieu à une dissonance de plus en plus visible dans ce monde fragmenté. Si la situation de la MDMA est aussi compliquée aux États Unis à l’heure actuelle, et que la France met souvent des années avant de suivre ce type de modèle thérapeutique, à moins d’un miracle, nous sommes actuellement à des années de voir la MDMA ou la Psilocybine être autorisée par l’ANSM. Et si elles le sont finalement, à quelles conditions ? Pourquoi continuer à laisser les gens souffrir, dans l’attente de l’approbation d’une molécule synthétique (ou bien synthétisée) sous contrôle de l’industrie pharmaceutique, lorsque des psychédéliques / enthéogènes naturels poussent à nos pieds, pourraient transformer profondément et positivement la vie de millions de personnes dès maintenant ?
Les Réponses de la Nature face à la Souffrance Humaine
Car les réponses de la nature sont déjà là. Je pense en particulier aux champignons à psilocybine, et à l’abondance de mycélium qui nous entoure - si présent que nous respirons des spores de champignons à chaque inspiration! Quel paradoxe d’être venu “de ce monde”, (plutôt qu’au monde - comme dirait Alan Wallace), et d’en interdire l’expérience pleine et entière. Nous sommes la Nature, mais dans notre ignorance et notre avidité, il semblerait que nous l’ayons oublié. Et les enthéogènes sont là pour nous rappeler. Pourtant, ces substances sacrées ont été réduites à des “drogues” au niveau de la loi, et ce non pas au même niveau l’alcool ou la cigarette - substances qui tuent chaque année des centaines de milliers de personnes rien qu’en France et sont parfaitement socialement acceptables et politiquement correctes - mais classés comme bien plus dangereuses !Rappelons que les enthéogènes naturels - tels que Champignons à Psilocybine, Ayahuasca, Iboga, Cactus à Mescaline et Venin de l’Incilius (bufo) Alvarius - ne correspondent absolument pas à la définition de “stupéfiant” donné par le conseil constitutionnel en Janvier 2022, ne présentant pas un profil addictif (contrairement à la MDMA d’ailleurs), présentant au contraire des propriétés anti-addictives, et dont la toxicité est quasi-inexistante. Si ces substances peuvent comporter des risques comme toute chose mal utilisée (opiacés, alcool, cigarettes, couteau, voiture… et même de l’eau), leur utilisation raisonnée, respectueuse, encadrée - mais non nécessairement médicalisée (!) - comporte des risques qui ne sont pas plus importants que celui de monter à cheval ou de sauter en parachute.
Encore aujourd’hui, en France comme ailleurs, des millions de personnes, adultes responsables et informés, sont privées d’une potentielle solution à leur souffrance à cause d’une loi qui leur empêche d’accéder à ce qui est en vérité notre droit d’accès à la Nature. D’autres, en bonne santé, sont privés de la possibilité de retrouver du sens dans un monde de plus en plus chaotique et violent. Privés de se reconnecter à l’amour de soi et des autres, privés de l’exploration de leur propre esprit et de leur créativité.Notre sort reposerait donc entre les mains de l’industrie pharmaceutique et de politiques décidant si éventuellement (“un jour, peut-être - nous y réfléchissons”) ces substances synthétiques, semi-synthétiques, ou bien - en ce qui nous concerne - naturelles, nous seront autorisées dans des conditions extrêmement strictes: dépression résistante aux traitements (après l’essai de 3, 4 ou peut-être 5 antidépresseurs auparavant ? 2 tentatives de suicide minimum ?) alcoolisme chronique (depuis plus de 10 ans?), peur de la mort (uniquement une fois en soins palliatifs approximativement 3 jours avant de mourir ? - “Ha, trop tard, Monsieur Dupont est mort 48h avant sa dose de psilocybine. Quel dommage!”) sans avoir le droit au moindre mot sur notre liberté de discuter ou de choisir notre traitement.L’utilisation de ces substances s’annonçant comme réduite au champ médical, privés de notre liberté cognitive et corporelle, nous aurions cependant le droit du choix de notre poison/plaisir quotidien (junk food, alcool, cigarette, pornographie…) mais pas celui d’expérimenter et d’explorer libremement notre propre conscience.Pourquoi réserver ces plantes et champignons enthéogènes aux malades une fois qu’ils sont au bord du gouffre, lorsque l’utilisation intelligente de ces substances dans un cadre bienveillant, entre adultes éduqués, formés et informés, pourrait apporter tellement plus que l’alcool dans lequel de nombreuses personnes désespérées se perdent en toute légalité ?
Ces risques de dérives autoritaires, de privation de liberté cognitive, de contrôle des consciences dans notre pays sont la raison de la naissance de Decriminalize Nature France. Nous devons défendre notre droit inaliénable - notre droit de Nature - à pouvoir librement accéder aux Enthéogènes d’origine naturelle et à en vivre l'expérience, tant que nous respectons la condition sine qua non de ne pas nuire à autrui et faisons tout pour réduire les risques et optimiser les potentiels bénéfices de ces expériences.Nous sommes ici pour faire prendre conscience à la population française et au public francophone de l’irrationalité de ce type de modèle thérapeutique unique. Les Enthéogènes d’origine naturelle ne seront jamais la propriété de quiconque ou d’une quelconque industrie.
Le droit au bien-être, la liberté d’explorer notre conscience, notre liberté d’explorer notre lien avec la Nature et la Nature de notre Conscience doit rester intouchable.Comme disait Terence McKenna, « Si les mots 'vie, liberté et recherche du bonheur' n'incluent pas le droit d'expérimenter avec votre propre conscience, alors la Déclaration d'indépendance ne vaut pas le chanvre sur lequel elle a été écrite. »Il en est de même pour La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.
Pour Decriminalize Nature France, Guillaume Dupont.
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